lundi 10 février 2014

Muriel Salmona : « Des femmes dans un mode de survie extrême »

Psychiatre et auteure du Livre noir des violences sexuelles (Dunod, 2013), Muriel Salmona décrypte les mécanismes de perpétuation des violences conjugales : des victimes enfermées et une société qui ne veut pas voir.

Comment Colette a-t-elle pu rester trente-deux ans en subissant de tels sévices ?
Muriel Salmona. Quand on connaît l’impact psycho-traumatique et neurologique des violences extrêmes, ce n’est absolument pas étonnant. L’agresseur prend complètement possession de la personne, 
par l’intermédiaire des violences et des menaces. Ces violences génèrent un état de survie neuro-psychologique qui vous coupe de toute possibilité d’agir. On aboutit à ce qui a été décrit pour les survivants des camps d’extermination, ceux qu’on appelait « les musulmans » : 
des personnes coupées du monde, en automatisme total, un peu comme déjà mortes. On arrive assez rapidement à une anesthésie totale : le cortex est totalement dissocié et 
il n’y a plus de sensations par rapport à 
la douleur, au froid. Plus rien n’existe. C’est 
un mode de survie extrême.

Un mari tortionnaire aux assises


La femme qui va témoigner ce matin à la cour d’assises d’Aix-en-Provence est une survivante. À entendre le supplice qu’elle a enduré pendant trente-deux ans, Colette R. aurait pu mourir mille fois. Son cadavre aurait alors rejoint les statistiques des violences conjugales en France, selon lesquelles une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son conjoint. En 2012, 148 femmes sont ainsi décédées des suites de violences conjugales. Mais Colette a survécu. « Il est extrêmement rare que des femmes victimes de telles violences y survivent et soient encore capables d’en témoigner dans un procès », souligne Laure Ignace, de 
l’Association contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), qui soutient Colette depuis deux ans.

jeudi 6 février 2014

Rwanda, « un homme de l’ombre » à la barre

Qui est vraiment Pascal Simbikangwa ? Depuis mardi, la cour d’assises de Paris étudie la personnalité de cet ancien militaire hutu, jugé pour complicité de crimes contre l’humanité et complicité de génocide. Mais le portrait est difficile, tant l’homme apparaît fuyant, manipulateur et paranoïaque. Premier problème : l’identité même du Rwandais enfermé dans le box en verre des accusés est floue. Il se présente comme Safari Pascal, nom qu’il aurait adopté en 1993 pour « se protéger ». À l’instruction, il dit d’abord avoir été adopté par son oncle et sa tante, après la mort de ses parents, avant de revenir sur cette version. Sa mère serait donc tutsi.

mardi 4 février 2014

La cour d'assises de Paris s'immerge dans le Rwanda du génocide

La troisième cour d'assises de Paris a brusquement plongé ce matin dans l'ultime génocide du XXe siècle, avec l'ouverture du procès de Pascal Simbikangwa, ancien militaire Hutu de 54 ans, jugé pour complicité de génocide et complicité de crimes contre l'humanité. Peu avant 10 heures, l'accusé est entré dans le box vitré, poussé par des gendarmes sur un fauteuil roulant, avant d'être porté sur une autre chaise roulante qui l'attendait devant un micro. A la demande du président, l'accusé a déclaré qu'il s'appelait "Safari Pascal", né le 17 décembre 1959. "J'étais militaire et j'ai travaillé au service des renseignements" a-t-il précisé dans un français parfait. Vêtu d'une veste en cuir beige, crane rasé, l'accusé a ensuite écouté silencieusement - à l'exception de quelques apartés avec ses avocats - le tirage au sort des jurés, puis la longue synthèse de l'accusation lue par le président de la Cour.

Génocide des Tutsi : vingt ans après, un procès en France

Il aura fallu attendre vingt longues années pour que le procès d’un présumé génocidaire rwandais s’ouvre enfin en France. Pascal Simbikangwa comparaît, à partir de ce matin et jusqu’au 14 mars, devant la cour d’assises de Paris, pour complicité de crimes contre l’humanité et complicité de génocide. Ce procès « historique », très attendu par les victimes et les associations de défense des droits de l’homme, s’annonce exceptionnel.

Pourquoi un procès à Paris ?

 

À partir de 9 h 30, ce matin, six Français tirés au sort devront suivre des semaines d’audience avant de se prononcer sur la culpabilité d’un présumé génocidaire rwandais. Une première en France qui s’explique par la loi de compétence universelle, adoptée en 1996. Elle permet à la France de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves (génocides, tortures, etc.) qui résident sur son sol.

Pascal Simbikangwa, un «criminel de bureau»


Son nom est inconnu en France, mais dans les rues de Kigali, il ravive des souvenirs... Pascal Simbikangwa n’est pas « n’importe qui », estime Simon Foreman, avocat du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), qui le décrit comme « un tortionnaire réputé au Rwanda ». Ces accusations de tortures, aujourd’hui prescrites, n’ayant pu être retenues contre lui, Pascal Simbikangwa comparaît jusqu’au 14 mars devant la cour d’assises de Paris pour complicité de crimes contre l’humanité et complicité de génocide. Il est accusé d’avoir « contribué, en connaissance de cause, à la pratique massive et systématique d’exécutions sommaires et autres actes inhumains, ainsi qu’au génocide ».