mercredi 2 avril 2014

Le procès Heaulme finit dans une impasse


« Le dossier ne paraît pas en état d’être jugé. » D’un ton grave, dans une salle d’audience silencieuse mais pleine à craquer, le président de la cour d’assises de la Moselle a annoncé, hier soir, le renvoi à une date ultérieure du procès de Francis Heaulme, suivant ainsi les réquisitions de l’avocat général.

« La vérité finira par être affirmée », a poursuivi Gabriel Steffanus, s’adressant aux parties civiles pour leur dire son « regret de ne pas pouvoir mener les débats jusqu’à leur terme ». « L’entière vérité est à ce prix, a-t-il poursuivi, au prix de ces nouvelles souffrances qui vous sont infligées. » Puis, s’adressant à Patrick Dils : « Je tiens à dire combien a été immense l’erreur judiciaire qui vous a frappé, puisse une telle catastrophe judiciaire ne jamais se reproduire. »

Après cette décision exceptionnelle, le parquet devrait demander l’ouverture d’une instruction judiciaire au procureur de la République, compte tenu des « indices graves et concordants » à l’encontre d’Henri Leclaire. Soit ce dernier bénéficie d’un non-lieu et Francis Heaulme est renvoyé seul devant une cour d’assises ; soit les deux hommes comparaissent côte à côte devant un tribunal. En tout état de cause, ce procès n’aura sans doute pas lieu avant 2015.

On pensait avoir tout vu dans cette affaire vieille de vingt-huit ans. Trente ans de tâtonnements judiciaires qui n’ont toujours pas résolu le mystère de la mort d’Alexandre et Cyril, deux gamins de huit ans retrouvés le crâne fracassé le 28 septembre 1986. C’est d’abord un ado de seize ans, timide apprenti pâtissier, qui est soupçonné. En 1989, dans cette même cour d’assises de la Moselle, Patrick Dils était condamné à la perpétuité. Il sera finalement innocenté en 2002. Avant lui, un autre homme avait avoué puis s’était rétracté. Henri Leclaire, le fameux « troisième homme » qui a fait basculer ce procès.

Aujourd’hui âgé de soixante-cinq ans, il s’est présenté hier matin à la barre, les mains tremblantes. Petit, trapu, dans un costume marron. Taiseux. « J’me rappelle plus », répète-t-il quand le président l’interroge sur sa présence sur les lieux du crime. Pourtant, la grand-mère d’une des victimes, Ginette Beckrich, l’a vu, ce jour-là, passer sur sa Vespa rouge. « Vous n’êtes pas accusé aujourd’hui d’avoir donné la mort aux enfants, tente le président. Mais si vous leur avez mis une correction, il faut le dire. » « J’ai pas fait ça », réplique Henri Leclaire, voix basse et tête baissée. Le président se tourne vers l’accusé : « M. Heaulme, sortez du box. » Le tueur en série déplie son grand corps. « C’était un dimanche, je revenais du cimetière de l’Est (où est enterrée sa mère – NDLR). J’ai vu cet homme descendre du talus, il m’a fait peur, il avait du sang sur sa chemise. » Francis Heaulme raconte ensuite avoir découvert les corps des enfants morts. « Je ne l’ai pas vu, rétorque Henri Leclaire. J’étais pas là. »

L’audition du témoin se poursuit sans défenseur à ses côtés. Une « parodie de justice », un « jeu de massacre », tonne son avocat, Me Thomas Hellenbrand, pendant la suspension d’audience. Une « curée », dénoncera aussi Liliane Block, l’avocate de Francis Heaulme.

À la barre, voici désormais Marie-Christine Blindauer. Juriste de cinquante-trois ans, elle raconte avoir recueilli une étrange confession « il y a un environ an et demi ». Un soir, Henri Leclaire, alors livreur pour une supérette, lui raconte ses démêlés avec la justice. Rouge et transpirant, l’homme entre en « transe » et mime la façon dont il aurait agrippé et secoué les deux garçons. « Il m’a dit : “Je m’en suis pris à eux mais c’est pas moi qui les ai tués.” » Tendu, Henri Leclaire assure avoir dit « n’importe quoi ». Il devra se justifier devant un juge d’instruction. Et pourra bénéficier, cette fois, d’un avocat à ses côtés.

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