mardi 15 juillet 2014

Après les expulsions de Calais, les juges de Melun pourraient saisir le conseil d’Etat


Les juges du tribunal administratif de Melun qui siégeaient ce matin en formation solennelle collégiale vont certainement demander au Conseil d’Etat son avis après les « nouvelles questions de droit » posées par les arrestations en masse de migrants à Calais le 2 juillet dernier. Saisis sur le cas de 44 migrants placés au centre de rétention du Mesnil-Amelot, les magistrats ont mis leur décision en délibéré au 21 juillet. Si la saisine parait plus que probable, la question reste de savoir si les magistrats en resteront aux questions techniques ou s’ils décideront d’aborder le fond du problème – plus politique – de ces arrestations à la chaîne.

Sur la forme, la loi Besson de 2011 a créé un imbroglio dans lequel il serait judicieux que la plus haute juridiction mette son nez. Les magistrats s’interrogent notamment sur les compétences du juge unique, chargé de se prononcer sur les mesures de privation de liberté et d’expulsion. La loi de 2011 met en place une procédure accélérée en cas de placement en centre de rétention : un juge doit statuer seul en 72 heures. Mais que se passe t-il si le retenu est libéré entre temps ? La formation collégiale de droit commun (trois magistrats ayant trois mois pour statuer) doit-elle prendre le relais ? Les 44 retenus du Mesnil-Amelot avaient été libéré à 8h30 le lundi matin alors que leur audience se tenait à 9h30 à Melun – à 65 kilomètres ! Le rapporteur public a indiqué sa préférence pour une formation collégiale, garantie d’une meilleure défense des droits de la défense. « Le nombre de cas est loin d’être limité »,  a-t-il précisé, indiquant qu’il n’existait pas de jurisprudence sur la question et que le conseil d’Etat devait donc être saisi.

Sur le fond, les avocats des associations d’aides aux étrangers ont plaidé hier pour une saisine du conseil d’Etat sur les méthodes utilisées lors de ces arrestations collectives. Se pose principalement la question des examens de situation individuelle. Les procès verbaux - que nous avons pu consulter - comportent des éléments pré-remplis : ainsi les 320 migrants arrêtés à Calais le 2 juillet dernier étaient tous en France pour raisons politiques, célibataire, sans enfants, ni profession, ni domicile fixe et d’un niveau d’étude primaire ! Ils ont chacun était reçu cinq minutes par les officiers de police judiciaire, à qui il ne restait plus qu’à remplir les cases laissés en blanc... Une méthode qui en dit long sur le « degré de dépersonnalisation et de déshumanisation » des migrants de Calais a plaidé ce matin Me Henri Braun, avocat de l’association des avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE).

Les défenseurs des associations ont aussi dénoncé les « détournements » de procédure de l’administration. « Pourquoi avoir placé en rétention des Erythréens et des Afghans, qui ne peuvent pas être expulsés vu le chaos dans leur pays ?  Pourquoi les libérer une heure avant l’audience ? », s’interroge Me Bruno Vinay. Et son confrère Me Henri Braun de lancer une réponse cinglante : « Le préfet du Pas-de-Calais a instrumentalisé les mesures d’expulsion et de rétention pour mettre fin à l’occupation d’un terrain, il faut dire que nous sommes dans un état de droit, il faut rappeler le respect des droits fondamentaux ».

Le conseil d’état a trois mois pour rendre son avis. S’il préconisait un  non lieu, toutes les décisions en cours – et notamment celles sur les migrants de Calais – seraient annulées.

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