jeudi 25 septembre 2014

Une triste Minute de gloire

Drôle d’époque que celle où l’on voit les avocats d’un journal d’extrême droite se pavaner, avec des airs de vainqueurs, au sein d’un tribunal… Hier après-midi, les défenseurs de l’hebdomadaire Minute, de son dessinateur David Miège et d’Anne-Sophie Leclère – ex-tête de liste FN – ont fait le show devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Sourires aux lèvres, Frédéric Pichon et Jérôme Triomphe – également avocats de Civitas, de la Manif pour tous ou des parents de Vincent Lambert – ont multiplié les arguties, provocations et inepties.

Première affaire appelée à la barre : celle d’Anne-Sophie Leclère, condamnée à neuf mois de prison ferme le 15 juillet dernier par le tribunal de Cayenne pour avoir comparé Christiane Taubira à un singe. Jérôme Triomphe, qui, précise-t-il, a « l’honneur de la représenter », exulte. « Si Mme Taubira n’est pas un singe, ma cliente n’est pas une chienne ! Elle est devenue l’ennemi public numéro un », lance-t-il au début de l’audience – certains apprécieront l’utilisation de l’hypothèse en début de phrase. Dans sa ligne de mire, « le scandaleux jugement de Cayenne » qui a « décrédibilisé durablement l’institution judiciaire ». Comme le demandaient le parquet et les parties civiles, cette affaire a été renvoyée au 25 septembre 2015.

mercredi 24 septembre 2014

Xavier Dor, récidiviste 
de l’anti-avortement

Ses mains, parcourues de veines saillantes, accrochent la barre comme un déambulateur. La peau est pâle, le cheveu blanc et rare. Yeux mi-clos, il tend le menton en avant comme pour mieux saisir les mots qui lui échappent. Xavier Dor est assurément un vieil homme. Il n’en est pas moins dangereux. À quatre-vingt-cinq ans, ce pédiatre retraité comparaissait lundi devant la cour d’appel de Paris pour délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). En récidive : l’homme cumule plus d’une dizaine de condamnations depuis vingt ans. « Sous la bonhomie d’un vieux monsieur, il y a un délinquant multirécidiviste, prévient Me Claude Katz, avocat du Planning familial. Il recommencera, ne vous y trompez pas. »

Condamné à 10 000 euros d’amende en 2013 pour s’être introduit à deux reprises dans les locaux du Planning familial à Paris, Xavier Dor avait fait appel du jugement.

– « Reconnaissez-vous les faits ? » l’interroge la présidente de la cour d’appel de Paris.

– « Oui, tout à fait », répond Xavier Dor, sourire aux lèvres. Le vieil homme s’est redressé. La voix est forte et assurée. Il raconte comment, le 25 juin 2012, il s’est introduit « avec un ami » dans les locaux de l’association, rue Vivienne. Après avoir tenté de prier dans la salle d’attente, les deux hommes sont rapidement mis à la porte par la police appelée en renfort. Le lendemain, Xavier Dor y retourne seul, il croise une femme dans l’escalier : « J’ai toujours des médailles miraculeuses sur moi et j’avais pris spécialement pour l’occasion des chaussons de bébé. Je lui ai dit “est-ce que vous accepteriez de les prendre?”, elle m’a répondu “oui, bien sûr” .»

jeudi 18 septembre 2014

La nuit où la mer est « montée beaucoup trop vite » à la Faute-sur-mer

Les auditions lors d’un procès peuvent vous porter très loin. Ce matin, le tribunal des Sables d’Olonne (Vendée) est parti à la pêche à la civelle, en pleine nuit de tempête.

Nous sommes dans la nuit du 27 au 28 février 2010. D’ici quelques heures, la tempête Xynthia va s’abattre sur la France, causant la mort de 47 personnes, dont 29 dans la petite commune de la Faute-sur-mer. André Rossignol, forte carrure, moustache fournie et cheveux blanc, est un marin pêcheur. Il est né il y a 64 ans à l’Aiguillon, en face de la Faute-sur-mer où il habitait depuis 28 ans. Dans une maison à étages, au cas où. L’hiver, il pêche la civelle, à chaque marée montante, dans l’estuaire du Lay.

mercredi 17 septembre 2014

Les lanceurs d’alerte de Xynthia à la barre

Annette Anil a de la suite dans les idées. A 67 ans, cette Fautaise reconnait elle-même qu’elle est plutôt du genre « têtue et tenace » : « mon père était gendarme, il m’a appris à avoir une certaine rigueur ». Cheveux blancs coupés courts, lunettes à montures rouges, elle est venue déposer un témoignage implacable cet après-midi au tribunal correctionnel des Sables d’Olonne (Vendée), où comparaissent depuis lundi cinq prévenus pour homicides involontaires après le passage meurtrier de la tempête Xynthia à la Faute-sur-mer en 2010.

Pendant des années, cette femme et son mari ont tenté d’obtenir des informations sur la digue censée les protéger des inondations puis d’alerter les populations sur son délabrement. Ils se sont heurtés à un « clan », qui refusait d’informer. Ceux-là même qui sont aujourd’hui assis sur le banc des accusés. « C’est un petit monde très fermé, qui fait ses petites affaires gentiment, décrit François Anil. Avec les conséquences que ça a eu… ».

Xynthia: les victimes face à l’indifférence de l’ancien maire de la Faute

Le manque d’empathie, l’indifférence aux autres ne sont pas punis par la loi. Mais ils aident à cerner la personnalité d’un homme. Or quand ce dernier est poursuivi devant le tribunal correctionnel pour homicides involontaires et mise en danger d’autrui, cette insensibilité devient accablante.

Renaud Pinoit, président de l’association des victimes des inondations de la Faute-sur-mer (Avif) a livré mercredi matin devant le tribunal des Sables d’Olonne (Vendée) un témoignage très dur contre l’ancien maire de la commune, René Marratier, aujourd’hui sur le banc des prévenus avec deux de ses adjoints, un promoteur immobilier et un agent départemental. Après la catastrophe du 28 février 2010, où 29 habitants de la Faute-sur-Mer trouvèrent la mort, la mairie a été dramatiquement absente, accuse-t-il. L’Avif a été rapidement créée pour pallier aux manques. Et ils sont nombreux : informations, aide matérielle, soutien psychologique… « Il n’y avait rien, c’était le néant ». Mais la création de cette association n’est visiblement pas appréciée en mairie. « On a été considérés comme les méchants, ceux qui embêtent le maire, poursuit Renaud Pinoit. Ça a été très difficile pour nous cette absence de soutien local, on a eu le sentiment d’être abandonnés.»

lundi 15 septembre 2014

Au procès Xynthia, « il y aura des moments éprouvants, chacun doit s’y préparer »

La scène, impressionnante, est à l’image de ce procès extraordinaire : René Maratier, 62 ans, garagiste retraité, se tient, seul, moustache et costume noir, devant la barre du tribunal correctionnel des Sables d’Olonne (Vendée). Derrière lui, une immense salle de 700 personnes - dont 123 parties civiles - le regarde dans un silence pesant. Quatre ans et demi après le passage de la tempête Xynthia, qui fit 29 morts dans la petite commune de la Faute-sur-mer, en Vendée, le 28 février 2010, son ancien maire comparait pour homicides involontaires et mise en danger d’autrui. Il risque cinq ans de prison.

« Monsieur René Marratier, commence le président du tribunal Pascal Almy, il vous est reproché d’avoir involontairement causé la mort de… », avant d’égrener pendant de longues minutes les noms et dates de naissance des vingt-neuf victimes. Tous sont morts noyés dans une eau glacée. Le plus âgé avait 87 ans, le plus jeune, deux ans et demi. L’ambiance est posée dans le tribunal : ce procès sera extrêmement chargé en émotions. Celle de ces parties civiles qui attendent, « sereinement et dans la dignité», d’après leur avocate Corinne Lepage, que justice leur soit rendue. « Il y aura des moments difficiles, chacun doit s’y préparer », prévient le président du tribunal, qui bénéficiera avec les autres magistrats, d’un soutien psychologique.

mercredi 10 septembre 2014

Le calvaire des bonnes à tout faire

Elles se tiennent de chaque côté de la barre, à quelques mètres d’intervalle. Ces trois femmes ont le même âge, viennent du même pays et pourtant, un gouffre les sépare. Sur le banc des prévenus, Kadidia Sy, 34 ans, Burkinabée, compagne de l’ancien Premier ministre ivoirien Guillaume Soro - actuel président de l’Assemblée nationale. Tailleur bleu marine, chemisier en soie blanche, cette femme transpire l’élite et l’argent jusqu’au bout de ses ongles parfaitement manucurés. Face à elle, Rosalie et Marie, 30 et 28 ans, en jeans et pulls bon marché se tiennent, têtes baissées, sur le banc des victimes. Plus de quatre ans après, elles sont venues raconter leur calvaire à la barre du tribunal correctionnel de Nanterre.

Pendant plusieurs mois, les deux jeunes femmes ont successivement été exploitées par leur patronne, venue en France soigner son fils hémophile. Embauchées comme nounous au Burkina, elles se sont retrouvées bonnes à tout faire dans de riches appartements parisiens. A la barre, elles racontent une « journée type » : lever vers 6 heures avec l’enfant - qu’elles emmènent directement dans le salon pour ne pas réveiller la mère qui émergera vers 11 heures. Ménage, vaisselle, lessivage, repassage. Il faut ensuite faire les courses pour préparer les repas, tout en s’occupant de l’enfant, voire des enfants des amies de Madame si celles-ci ont décidé de sortir « faire du shopping ». Coucher vers 22 ou 23 heures, dans le même lit que l’enfant. Ce sont elles qui s’en occupent la nuit s’il se réveille, quand on ne les envoie pas faire des courses à l’épicerie ou répondre au téléphone.