jeudi 18 septembre 2014

La nuit où la mer est « montée beaucoup trop vite » à la Faute-sur-mer

Les auditions lors d’un procès peuvent vous porter très loin. Ce matin, le tribunal des Sables d’Olonne (Vendée) est parti à la pêche à la civelle, en pleine nuit de tempête.

Nous sommes dans la nuit du 27 au 28 février 2010. D’ici quelques heures, la tempête Xynthia va s’abattre sur la France, causant la mort de 47 personnes, dont 29 dans la petite commune de la Faute-sur-mer. André Rossignol, forte carrure, moustache fournie et cheveux blanc, est un marin pêcheur. Il est né il y a 64 ans à l’Aiguillon, en face de la Faute-sur-mer où il habitait depuis 28 ans. Dans une maison à étages, au cas où. L’hiver, il pêche la civelle, à chaque marée montante, dans l’estuaire du Lay.

Cette nuit là, André part vers minuit, malgré l’avis de tempête. Sur son bateau, il se rend très rapidement compte que « le flot est anormal ». « D’habitude, on est à deux nœuds, là on était à trois, quatre, peut être plus. La mer montait beaucoup trop vite. » André décide de rentrer. Il réussit à accoster malgré le courant, arrive au parking déjà inondé, démarre sa voiture et se dirige vers chez lui. Il est environ 2h30 du matin. « Arrivé vers la digue, je me suis dit que j’allais regarder pour voir où on en était. J’ai braqué les phares et là - ah ! -je vois l’eau dans les phares. L’eau clapotait, il restait peut être cinq centimètres. J’étais complètement affolé. Il restait deux heures de marée montante, je savais qu’on allait inonder. »
André Rossignol remonte dans sa voiture et appelle immédiatement les pompiers. Réponse : « Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse ? ». « Prévenez au moins les deux maires », leur dit-il. De retour chez lui, il retrouve sa femme et sa fille et se dépêchent tous trois de mettre des affaires à l’étage. « On fait des choses incroyables, par exemple, moi, j’ai soulevé un lave linge plein d’eau et de linge pour le poser sur l’évier. Je serai incapable de le refaire. Mais on venait de l’acheter... Ca a servi à rien, puisque l’eau est montée bien plus haut que l’évier. »
Puis, « d’un seul coup », alors que sa femme et sa fille sont déjà à l’étage, André aperçoit une eau saumâtre s’infiltrer entre la vitre et le volet roulant. « Je me suis précipité vers l’escalier, quand j’étais à la première marche la porte d’entrée s’est arrachée. J’ai juste eu le temps de monter. » L’eau entre en trombe dans la maison. Réfugiés dans le noir à l’étage, ils entendent les bruits de la tempête, des appels à l’aide au loin. « A un moment mon épouse me dit : ‘Y’a beaucoup d’eau ?', je lui ai dit : ‘Mais ma pauvre, on vient de tout perdre’ ». Ils seront secourus le lendemain matin.

Comme les autres survivants, André a souffert du manque d’aide et de compassion des élus de la Faute après la catastrophe. « J’aurais aimé voir quelqu’un de la commune, voir le maire, dit-il d’une voix brisée. Une paire de bottes, c’est rien à mettre, moi j’en mets tous les jours. » De sa voix douce, André dit aussi : « Ce qui me fait mal au cœur, ce sont les victimes. Quand vous êtes patron de pêche si vous avez plusieurs hommes à bord, vous en êtes responsables. Le maire se devait de tout faire pour éviter ça. » Sur le banc des prévenus, René Marratier ne dit rien. Hier, il a reconnu pour la première fois qu’il aurait sans doute dû mieux informer les habitants des risques de submersions marines.

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