mardi 9 février 2016

Face à ses juges, Jérôme Cahuzac joue la montre

La date et l’heure du procès de Jérôme Cahuzac étaient connues, mais son arrivée a pourtant surpris les journalistes qui se soumettaient aux contrôles de sécurité à l’entrée du palais de justice de Paris, hier. L’ancien ministre délégué au Budget de François Hollande a dû se frayer un chemin jusqu’à la salle d’audience, quitte à repousser quelques-uns des quatre-vingts représentants de la presse. D’autres, se bousculant entre eux à reculons, avaient chuté tout seuls sur les marches du palais. C’est dire l’impatience qui prévalait à l’ouverture du procès pour fraude, recel et blanchiment de fraude fiscale, minoration des impôts sur le revenu et de solidarité sur la fortune, pour lesquels les ex-époux Cahuzac encourent jusqu’à sept ans de prison et 1 million d’euros d’amende. François Reyl, la banque du même nom en tant que personne morale et Philippe Houman, consultant suisse en optimisation fiscale, les flanquaient sur le banc des accusés pour avoir, «via des structures écrans mises en place par la banque, assuré l’opacité des opérations».

La première journée d’audience a été consacrée aux quatre questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) déposées par Patricia et Jérôme Cahuzac. « Ce n’est pas parce que mon client a été désigné comme paria par la presse que l’on ne doit pas faire du droit », a lancé Jean Veil, avocat de l’ancien ministre. La défense conteste le cumul des poursuites pénales et fiscales. Elles seraient contraires à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme, qui prévoit des « peines strictement et évidemment nécessaires ». Or les ex-époux Cahuzac ont déjà été lourdement condamnés par l’administration fiscale, plaident leurs avocats, qui soulignent qu’ils ont « accepté et payé » les indemnités du fisc à hauteur de 80 %.

Au début du mois de janvier, les héritiers Wildenstein, soupçonnés de fraude fiscale massive, avaient vu leur procès ajourné, devant la même chambre du tribunal correctionnel de Paris, après la transmission de leurs QPC au Conseil constitutionnel. Mais pas question ici, assurent les avocats de la défense, de « manœuvres dilatoires ». « M. Cahuzac souhaite être jugé et aussi vite que possible », assure Me Jean-Alain Michel.

C’est aussi le souhait de l’accusation, portée par Éliane Houlette, qui dirige le parquet national financier et regrette que les QPC soient déposées le premier jour du procès « alors qu’elles eussent pu l’être tout au long de l’instruction ». « Après avoir fraudé pendant vingt ans, M. Cahuzac vient nous expliquer qu’il ne peut pas être condamné », accuse le vice-procureur financier, Jean-Marc Toublanc. « Lorsqu’il était ministre du Budget, M. Cahuzac a renforcé les sanctions pénales en matière de fraudes fiscales… »

L’ancien ministre socialiste est resté impassible sur le banc des prévenus tout au long de cette première audience, tandis que son ex-femme gardait les yeux clos, comme pour échapper à la réalité de l’accusation. Le tribunal dira demain matin s’il transmet au Conseil constitutionnel les QPC. Auquel cas le procès serait renvoyé à une date ultérieure. 

(Avec Grégory Marin)

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