jeudi 2 février 2017

Ce qu’a fait Serge Dassault « méritait de la prison ferme », estime le tribunal

Il ne s'est pas présenté une seule fois devant ses juges et aura poussé le comble du cynisme jusqu'à lancer, hier, à François Fillon : « Sois candidat même si tu es mis en examen, regarde, moi, je m'en fous ! » Serge Dassault a été reconnu coupable, ce jeudi après-midi, par le tribunal correctionnel de Paris de blanchiment de fraude fiscale et de fausse déclaration de patrimoine. Il est condamné à deux millions d'euros d'amende, cinq ans de privation de droit d’éligibilité et d'interdiction d'exercer une fonction publique. Ses avocats ayant annoncé, dès la sortie de l'audience, son intention de faire appel, ces peines sont reportées sine die.

Il n'empêche, le jugement de la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris, mérite - d'autant plus en ces temps troublés - qu'on s'y attarde. Aucun juge d'instruction n'ayant été nommé, c'est sur la base d'une enquête préliminaire que le tribunal a dû travailler. Ses conclusions sont implacables : « L'ampleur de la fraude, sa durée et les fonctions politiques exercées durant la période justifierait le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme », écrivent les juges, qui estiment que «compte-tenu de son grand âge, Serge Dassault ne peut être condamné à une peine d'emprisonnement, même assortie intégralement du sursis ».

Le PDG du groupe Dassault est donc reconnu coupable d'avoir, entre 1999 et 2014, dissimulé le produit direct de sa fraude fiscale sur des comptes cachés aux Îles vierges britanniques, au Luxembourg et au Liechtenstein, pour des montants oscillant entre 21 millions d'euros en 1999, 31,3 millions en 2006 et 11,8 millions en juin 2014. Sénateur depuis 2004, Serge Dassault a aussi été déclaré coupable de fausse déclaration à la Commission pour la transparence de la vie politique.

Dans des courriers, le milliardaire avait affirmé avoir hérité de ces fonds, qui appartenaient à son père, Marcel Dassault, ancien déporté et pionnier de l'aéronautique français mort en 1986, puis à sa mère, décédée en 1992. Il assure n'avoir appris leur existence qu'à la mort de son frère, en 2011.
« Il n'en demeure pas moins, lui répond le tribunal dans son jugement, que les opérations de blanchiment qui consistent dans le placement initial des fonds sur des comptes situés à l'étranger, puis leur gestion, au moyen de prête- noms et de structures d'interposition, s'analysent comme des faits ayant débuté il y a plusieurs décennies et s'étant déroulés sans discontinuité, d'abord sous l'autorité de Marcel Dassault puis sous celle de son ou ses héritiers. Il y a donc eu une claire intention, au delà des fraudes fiscales reprochables aux uns et aux autres, de placer et de dissimuler des fonds familiaux. »
Dans leur jugement, les magistrats dénoncent aussi la « duplicité » du sénateur LR : « Ces faits, qui nuisent aux intérêts financiers de l’État, se sont déroulés dans une période où Serge Dassault, outre la direction d'un groupe bénéficiant largement de la commande publique, exerçait parallèlement un mandat parlementaire qui le conduisait à se prononcer sur le budget de l’État, mais également sur les différentes législations fiscales et pénales portant sur la fraude fiscale et le blanchiment ».

Serge Dassault avait depuis régularisé sa situation, tant auprès de l'administration fiscale - il a réglé près de 19 millions d'euros pour huit ans de redressement fiscal - que de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Mais pour les magistrats de la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris, « cette régularisation est loin de présenter un caractère spontané », « ce n'est que contraint et forcé par le développement des enquêtes judiciaires que Serge Dassault a entamé les démarches ayant effectivement abouti au paiement d'une importante somme à l'administration fiscale ».

Enfin, les magistrats ont regretté que la défense de Serge Dassault se soit « contentée de nier toute responsabilité ». Pour se justifier, « il aurait mieux valu qu'il soit à l'audience »...

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